Emile Eugène LE CLAINCHE
Il est né le 23 janvier 1889 à Naizin (Morbihan). Il est le fils de Louis, le menuisier du village et de Jacquette AUDO, le seconde épouse de Louis que celui-ci a épousé après le décès de sa première épouse, Mathurine AUDO en 1874 (la soeur de Jacquette ?). Emile a une demi-soeur, Fleur, née de ce premier mariage de Louis.
Emile Eugène a vécu sa jeunesse au pied de ce clocher.
Naizin fait partie du canton de
Locminé. Située à 120 mètres d'altitude et voisine des communes de
Moustoir-Remungol et de Kerfourn,
Mais que vient donc faire ce "terrien" sur l'Ile de Groix ?
Pourquoi son nom est-il inscrit sur la plaque souvenir rappelant les morts de 14/18, au
coeur de l'église de de Groix ? Probablement est-il venu, attiré par la manne de la pêche
thonière, et à trouver à s'embarquer pour les campagnes de pêche. Peut-être avait-il
rencontré une jolie groisillonne à qui il s'était promis ???
En 1914, il a 25 ans, il semble résider régulièrement à Groix, dans le bourg.
A 20 ans en 1909, il a dû faire ses classes et son service de 2 ans au 62ème régiment d'infanterie à Lorient, d'où il sort avec le grade de caporal.
Trois ans après seulement, le 3 août 1914, il est rappelé, comme beaucoup, et
il se rend sans hésiter à la caserne Bisson.
Les trains réalisent l'itinéraire Nantes, Le Mans, Chartres, contourne Paris, puis Reims, Verdun
en plus de 36 h. En cours de route, à Versailles, le régiment apprend la prise
de Mulhouse (par les Français). Cette nouvelle soulève de nombreux cris
d'enthousiasme.
Le dimanche 9, vers 22h., Emile Eugène débarque, au clair
de lune, avec ses copains à Châtel-Chéhery (Ardennes); aux confins de la forêt de l'Argonne,
près d'Apremont et du funeste bois de la Gruerie dont nous reparlerons. Là commence la longue marche.
Le lundi 10, après une marche de 25 km sous un soleil épouvantable, il cantonne à Germont. La troupe est bien accueillie.
Mardi 11, nouvelle marche vers Oches. ils y restent les
11, 12, 13 et 14 au nord de ce village, dans les bois de Besace. Il n'y a pas beaucoup de distractions et pour éviter tout incident, les
officiers consignent les débits de boissons. Le samedi 15, le régiment reprend sa marche jusqu'à Noyers (au sud de Sedan). Nouvelle étape de 25 km avec tout le barda sur le dos.
Le fantassin porte tout ce qui lui est nécessaire.
Le 16, le 62ème R.I., qui fait partie de l'avant-garde de la division, se porte sur
Muno qui se trouve tout de suite après la frontière belge, ils y arrivent, harassés, à 22h. où ils s'installent en cantonnement d'alerte couvert par
le bataillon Voilliard qui prend les avant-postes. L'accueil de la
population est excellent; elle offre à ces braves soldats français
boissons et tabac à volonté.
Le 20, le régiment se dirige sur Paliseul, mais, avant
d'arriver, on entend la fusillade. Le général de division pousse le
62ème, le 21, sur Maissin pour appuyer les régiments déjà engagés. Les
Allemands ont mis le feu au village. Arrivant par le sud, on entend le
bruit du canon et celui de la fusillade qui augmentent d'intensité.
C'est le baptême du feu pour Emile et ses camarades.
Vingt jours qui l'attende et le redoute. Le feu de l'infanterie allemande devient extrêmement violent, un ennemi
invisible, en position sur les hauteurs, avec un grand nombre de
mitrailleuses, ouvre un feu nourri; les bataillons subissent des pertes
sérieuses. Le village et les bois environnants devinrent l'enjeu de
combats acharnés. Attaques et Contre-attaques se succédèrent sous le
feu des mitrailleuses et des obus des deux artilleries. Vers 19h, le clairon sonne la charge, les hommes s'élancent
à l'assaut, Maissin est pris et 60 prisonniers sont faits.
Pendant la nuit, du 22 au 23, les hommes sont réveillés dans la nuit par une
contre-attaque, le village est de nouveau en feu, des coups de feu
éclatent de partout. Les hommes prennent la fuite, après avoir repoussé
3 contre-attaques. Le régiment se "débande".
Suivant le mouvement général de l'armée qui se reportait vers la frontière française, le régiment bat en retraite le dimanche 23 août, en abandonnant le champ de bataille, les morts et les blessés intransportables à l'ennemi. Des centaines de blessés reçurent les premiers soins dans les villages de Transinne, Redu et Our où ils furent faits prisonniers par l'armée allemande. On peut considérer cette bataille de rencontre comme l'un des plus meurtriers affrontements, avec Rossignol et Ethe, du samedi 22 août 1914 dans la province belge de Luxembourg. Les pertes du côté français sont de 4 500 hommes blessés ou tués. Jour de chance pour les groisillons, aucun ne fait parti de ces nombreux morts.
La longue marche reprend à l'envers. Le dimanche 23, on fait 30 km, le lundi 24, presque autant, le régiment bat en retraite sur la Meuse et se dirige par Illy et Givonne, où il passe le fleuve, puis traverse Sedan sans s'y
arrêter. Les hommes cantonnent dans un bois, dans des tranchées à Wadelincourt. L'ordre est donné de mettre en état de défense et d'occuper Wadelincourt
et Fresnois avec mission d'interdire les passages de la Meuse. La 10ème
compagnie livre une bataille terrible à Cheveuges. Puis, le 62ème, reçoit l'ordre de se replier au sud-ouest
de Chéhery, encore une "promenade" d"une vingtaine de km. C'est ce qu'on appelle une guerre de mouvement.
Le jeudi 27, le régiment se
reforme à Malmy où doit être prise une position de repli pour permettre
à la Division de se reconstituer. A 13h., reprise de
l'offensive, retour en arrière, le 62eme quitte Malmy et se porte par Chéhery dans la
direction de Bulson.
Le samedi 29, le 62ème régiment est attaqué dans la nuit, et nouvelle débandade
Le dimanche 30, repli général vers la Seine.
Le 11ème C.A. reprend son mouvement de retraite sur l'Aisne. Le
régiment se porte par Mametz /Suzanne où il reçoit l'ordre de
contre-attaquer sur Tourteron. Ce mouvement ne peut s'exécuter et le
62ème se porte alors sur Attigny, où il passe l'Aisne, il marche
ensuite sur Vaux-Champagne où il bivouaque. Pendant la nuit, il met en
état de défense les hauteurs au sud d'Attigny.
Le lundi 31, à 5h, le 62ème reçoit l'ordre de quitter ses positions et de se porter
au nord-est de Pauvres où la 43ème brigade, formant arrière-garde doit
s'établir sur 2 lignes: le 62ème à droite, le 116ème vers Pauvres.
Le mercredi 2 septembre, le 62ème, soutenu par un groupe d'artillerie, doit tenir Moronvillers. Mais l’ennemi prend le village à 21h.. Le régiment, qui a reçu alors l'ordre de se replier, gagne Prosne où il arrive à 23h. et il cantonne. Le jeudi 3, il quitte Prosne à 4h. et se porte par Mourmelon-le-Petit, sur les Grandes Loges.
Dès le vendredi 4, à 4h, le 62ème quitte le bivouac, traverse la Marne à Matougue et se porte dans la direction de Chéniers puis vers Soudron, que le régiment atteint à 22h.
Joffre décide que l'on se battra sur la Marne. Mais que feront les troupes harassées par 15 jours de retraite ? Seront-elles en état de reprendre l'offensive ? Enfin quelle date fixer pour le jour J. ? Il hésite, envisage le 7, puis avance la date au 6 septembre. Aussitôt, il rédige et signe les dispositions générales en vue de la bataille prochaine.
Le 5 septembre, le 62ème se porte, par
Vatry, sur Sommessous. A 9h, il reçoit l'ordre de s'installer, au nord
de Sommessous. Les 2ème et 3ème bataillons prennent position de chaque côté
de la route de Chalons. Le 1er bataillon est en réserve. A 17h., les
dispositions sont modifiées. La 43ème brigade doit tenir solidement
Sommessous et les passages de la Somme.
La bataille de la Marne s'engage dès le 6 septembre sur toute la ligne de front. L'ensemble des armées françaises, ainsi que la petite armée anglaise, se préparent à prendre l'offensive. Le Généralissime adresse une proclamation aux armées qui deviendra historique: "Au moment où s'engage une bataille dont dépend le salut du Pays, il importe de rappeler à tous que le moment n'est plus de regarder en arrière. Tous les efforts doivent être employés à attaquer et repousser l'ennemi. Toute troupe qui. ne peut plus avancer devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée."
Le 11ème Corps d'Armée
(auquel appartient le 62ème RI), est établi défensivement de Morains-le-petit à Lenharrée et même
Vassimont et Sommesous, pour barrer à l'ennemi les routes venant de
Chalons et de Vertus. La 43 ème brigade (62e RI et 116e RI) couvre le flanc
droit de Lenharrée jusqu'à Vassimont. Les 1er et 3ème bataillons du 19ème, avec
2 sections de mitrailleuses en avant du village de Lenharrée.
Les différentes unités sont en place vers 10 h. Sous une chaleur étouffante, les heures passent, angoissantes. Vers 14 h, une attaque de 150 cavaliers Allemands est repoussée.
Le 7 septembre, ordre est donné au 11ème corps d'armée
de maintenir ses positions et d'attaquer l'ennemi: "Avec l'appui de
l'artillerie, la 21ème division d'infanterie s'efforcera de reprendre Morains
le Petit-Ecury-Normée. La 22ème division d'infanterie
appuiera l'attaque de la 21ème division et tiendra solidement Lenharrée."
Or, dès le matin, les Allemands attaquent, empêchant l'action offensive du 11ème CA.
A Lenharrée, le bombardement est très
intense, les combats sont violents. Malgré plusieurs assauts ennemis, le 19ème Régiment d'Infanterie
se maintient, non sans de fortes pertes. Les tirs des 75 Français ont permis a
2 reprises de repousser les assauts Allemands. A aucun moment de la journée,
ceux ci ne pénétreront dans le village de Lenharrée. Vers 19 heures, le 19e R.I. reçoit
un message: "J'adresse toutes mes félicitations au 19e RI pour sa glorieuse
conduite. Je mets à votre disposition un bataillon du 62e R.I. et un bataillon
du 116e R.I. Toute la ligne passera à l'offensive le 8 à 4 heures du
matin."
Les bataillons des 62e et 116e R.I. relèvent les unités du 19ème R.I. en avant de Lenharrée. Le 19ème régiment d'infanterie se reforme le long de la voie ferrée pour prendre un repos bien mérité avant de repartir à l'attaque prévue à 4 heures du matin.
Emile Eugène LE CLAINCHE est grièvement blessé le 6 ou le 7 septembre. et il est évacué vers un poste de secours à l'arrière (Ambulance n°1 à Gougançon) où il décède quelques heures plus tard. Ce sera le premier "groisillon" à mourir des faits de cette guerre. N'étant ni né à Groix, ni socialement enraciné, son nom n'est pas inscrit sur le Monument aux morts de la commune (son nom est gravé sur celui de Naizin). Toutefois il apparait sur le tableau de l'église avec une date et un lieu légèrement erroné (Sommesous, le 6 septembre)
( NduR : Toute information complémentaire : photo, acte de naissance, acte de décès, informations diverses,... est la bienvenue)